Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

10 octobre 2007

Sans-contrats de tous les pays, unissez-vous !

Le chômage est un phénomène que beaucoup de gens ne comprennent pas bien : pourquoi y-a-t-il des gens qui ne travaillent pas alors qu’il y aurait tant de choses à faire ? La réponse est simple : parce qu’il n’y a pas assez d’argent pour les payer. Ayant compris cela aussi bien que nous, nos autorités ont depuis longtemps eu l’idée de faire travailler les chômeurs à prix réduit. Cette histoire étant insuffisamment étudiée, nous passons peut-être tous les jours sans le savoir sur des routes bâties par les « chômeurs » des années trente, dont rien ne rappelle la mémoire. Aujourd’hui encore, certaines administrations seraient bien embêtées si elles ne pouvaient plus compter sur les « chômeurs ».
Il est d’ailleurs un peu dérangeant qu’on continue de parler de « chômeurs » pour désigner ces travailleurs. Je propose donc de désigner par « sans-contrats » les travailleurs qui ne bénéficient pas d’un contrat de travail reconnu en tant que tel, même si en général on leur fait signer des « contrats d’insertion ». En règle générale, le travail du sans-contrat est considéré à priori comme dénué de toute valeur et l’argent qu’il reçoit est n’est pas considéré comme un salaire. Même s’il a accompli un travail extraordinaire, un sans-contrat au bénéfice de l’assurance-chômage n’est pas sûr de recevoir de l’argent à la fin du mois, car il faut en outre qu’il prouve qu’il a cherché un autre travail et n’a refusé aucun « emploi convenable ».
A défaut de pouvoir obtenir qu’on accorde un contrat de travail à tous les travailleurs, la gauche se doit de revendiquer un minimum de dignité pour les sans-contrats.
Premièrement, nul ne devrait être obligé à accepter un emploi sans contrat de travail. Il importe donc que la gauche s’oppose à tout projet allant dans ce sens, comme par exemple actuellement dans le canton de Neuchâtel où le Conseil d’Etat prévoit d’imposer du travail sans contrat à tous les bénéficiaires de l’aide sociale de moins de trente ans. Soit dit en passant, même d’un point de vue de droite, si vraiment on souhaite que plus de bénéficiaires de l’aide sociale travaillent à prix réduit pour la collectivité, il paraît plus efficace de les motiver en les traitant avec plus de dignité plutôt que de les contraindre.
Deuxièmement, toute personne qui travaille devrait être dispensée de justifier de recherches d’emplois, ainsi que de convocations régulières à des entretiens qui servent principalement à lui rappeler que ce qu’elle fait n’est pas du « vrai travail ». Nous connaissons le cas d’une personne en contrat d’insertion qui était convoquée à des entretiens que son assistante sociale fixait volontairement en dehors de ses heures de travail. Qui donc apprécierait de devoir rendre visite à son patron pendant ses jours de congé ? Le principe de la surveillance des chômeurs est discutable en lui-même, car il tend à mettre la responsabilité du chômage sur ceux qui en sont victimes. Mais dans le cas de personnes qui travaillent à prix réduit pour la collectivité, cela relève de l’acharnement.
Troisièmement, il faudrait cesser de diviser les sans-contrats en sous-travailleurs (personnes au bénéfice de l’assurance-chômage), en sous-sous-travailleurs (personnes aux mesures de crises) et en sous-sous-sous-travailleurs (personnes à l’aide sociale). Certes, ces catégories ont leur utilité pour l’administration. Par exemple, un bénéficiaire de l’aide sociale qui a obtenu un droit aux mesures de crises après avoir rempli un certain nombre de conditions pourra être considéré comme « réinséré », ce qui permettra de publier des statistiques flatteuses. Mais en réalité, ces catégories de fous sont tout juste bonnes à rendre les gens alcooliques. Passer d’un pseudo-emploi à un autre n’a rien à voir avec de l’insertion professionnelle et il est plutôt désagréable d’être considéré comme une patate chaude que les différents services cherchent à se refiler autant qu’ils peuvent.
Sans nul doute, on nous rétorquera que certains sans-contrats sont incapables de fournir un travail satisfaisant et qu’il n’est donc pas correct d’affirmer que la collectivité les exploite. Mais si c’est le cas, cela veut dire que ces personnes ne pourront de toutes manières pas retrouver d’emploi, du moins dans un avenir proche. Cela veut aussi dire, très souvent, qu’elles ont eu un parcours difficile et ont une piètre estime d’elles-mêmes. Nous voyons là des raisons supplémentaires de ne pas les rabaisser par des contrôles inutiles, de ne pas considérer à priori leur travail comme dénué de toute valeur et ne pas les surveiller comme des parasites.

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