Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

21 septembre 2011

De l'autoritarisme en pays de Neuchâtel

Annie Clerc, conseillère communale à La Chaux-de-Fonds, n'a pas avalé que le restaurant social Ekir ose contacter l'Impartial (édition du 2 septembre) pour demander une subvention plus élevée. Dans une lettre du 13 septembre, elle affirme sèchement : « Si une décision de subvention doit être remise en cause, elle devrait l'être par un courrier ou par une demande de rencontre ». Il y a un an (Impartial et Express du 9 juillet), Laurence Aellen, alors cheffe intérimaire du service de l'emploi, n'avait pas supporté les critiques de l'Association de défense des chômeurs parues dans les médias, s'indignant qu'une association subventionnée ose se retourner contre le service qui la subventionne. C'est à se demander si nos autorités ne s'inspirent pas de la philosophie de M.Bernasconi, ancien président de Xamax, qui avait affirmé que ceux qui n'ont pas d'argent devraient « fermer leur gueule ». Si tel est le cas, rappelons-leur que l'argent de l'Etat n'est pas leur propriété personnelle, mais bien celle des citoyens, et que chacun a le droit de porter une question sur la place publique. Rappelons aussi à Mme Clerc que le parti socialiste, qu'elle représente, n'a pas toujours demandé la permission avant de s'exprimer. Tel est également mon cas : j'écris cette lettre à titre strictement personnel, ne faisant pas partie de l'équipe d'Ekir, et j'espère donc que Mme Clerc ne se retournera pas contre eux.

Lettre envoyée à l'Impartial, qui n'a pas voulu la publier.

06 septembre 2011

LIVRE : Myret Zaki, la fin du dollar. Favre 2011

La rédactrice en chef adjointe de Bilan nous démontre de façon convaincante que les jours de l'ère du dollar sont comptés. La situation du billet vert n'est pas rose. Il court un très gros risque d'être fortement dévalué au cours des prochaines années, ce qui signifie que les Etats-Unis vont régler une partie de leurs dettes en monnaie de singe, au grand dam notamment de la Chine et du Japon. S'il est toujours difficile de prévoir l'avenir, le scénario que nous prédit Myret Zaki semble presque inéluctable.

Le déficit américain devrait atteindre 1600 000 000 000 de dollars en 2011, soit 10.9% du PIB. Il semble totalement hors de contrôle actuellement car il paraît impossible que le Congrès décide de prélever de nouveaux impôts. Les Etats-Unis préfèrent s'endetter, même si les autres pays seront de moins en moins disposés à leur prêter de l'argent. Aujourd'hui déjà, la Réserve fédérale américaine est désormais le plus gros détenteur de bons du trésor américain, devant la Chine. Autrement dit, l'argent que l'Etat américain ne parvient plus à emprunter lui est fourni à coup de planche à billet.

Une telle politique ne peut déboucher que sur une importante inflation, que la méthode actuelle de calcul sous-estime largement. Il semblerait que si on avait calculé l'inflation de 2010 avec la méthode de 1980, elle aurait été de 8.54% au lieu des 1.14% officiels (p.85). Ce chiffre biaisé entraîne mécaniquement une surestimation de la croissance économique. Cela est d'autant plus grave que le pays a perdu le quart de ses emplois industriels au cours des années Bush (p.93). D'autre part, le chômage serait également largement sous-estimé.

Le dollar ne doit sa position de principale devise mondiale qu'à l'absence d'alternative, à cause notamment du discrédit actuel de l'euro, discrédit non fondé selon Myret Zaki. Elle dénonce « les attaques permanentes depuis le début de l'euro », qui relèveraient selon elle d'une stratégie des milieux financiers et des médias anglo-saxons, qui craignent qu'un euro trop fort représente une concurrence fatale pour le dollar. Ainsi, les attaques contre l'euro au début de 2011 auraient entraîné une ruée vers le dollar.

Toutefois, cette situation ne saurait durer. Il suffirait que les taux d'intérêts, très bas ces dernières années, remontent, pour que le service de la dette américaine devienne gigantesque. Une crise de confiance sur le dollar peut survenir d'un instant à l'autre et surviendra tôt ou tard. Si on en croit Myret Zaki, les dirigeants chinois et européens, conscients de cette situation, réfléchiraient déjà à la réorganisation du système monétaire mondial qui s'avérera alors nécessaire.

Les qualité du livre n'obligent pas, bien entendu, le lecteur à partager l'idéologie économique de Myret Zaki, qui pourfend le keynésianisme et ne semble même pas avoir entendu parler du socialisme. Elle oublie que l'inflation est en principe un jeu à somme nulle et considère que la stabilité monétaire justifie les pires politiques de rigueur. Toutefois, ce point de vue excessif fait de Myret Zaki une excellente critique de l'excès inverse qu'est l'abus de la planche à billet.