Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

20 novembre 2008

INITIATIVE ANTI-CADEAUX


 Ce texte, envoyé un peu partout, représenta une tentative un peu don-quichottesque d'attaquer l'UBS. Isolé, manquant d'expérience, sans les qualités nécessaires pour entraîner les foules, je finis par laisser tomber. Merci à la télévision neuchâteloise Canal Alpha et à RTN qui m'ont donné la parole. Toutefois, je reste persuadé que pour une telle initiative, même pas de gauche, les signatures auraient pu être récoltées comme des petits pains.


Ceci est un appel adressé à tous les citoyens et citoyennes de ce pays, en vue de former un comité pour lancer une initiative fédérale. Il s'agit tout simplement de garantir qu'UBS soit tenue de rembourser l'argent qu'on lui avance, au même titre que n'importe quel citoyen et n'importe quelle PME. Cette exigence n'est ni de gauche ni de droite : il s'agit simplement de faire respecter des principes élémentaires d'équité.
La teneur de l'initiative devrait être en gros la suivante, sous réserve d'examen par un juriste :
1)      Si la Confédération ou la BNS fournissent une aide financière à une entreprise en difficulté, elles n'ont pas le droit de conclure des accords qui pourraient amener à une situation telle que de l'argent public soit perdu alors que dans le même temps les actionnaires de l'entreprise en gagneraient de nouveau.  
2)      L'initiative entre en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 2008. La Confédération et la BNS entreprennent toutes les démarches possibles, en modifiant la législation si cela est possible et nécessaire, en vue de récupérer l'argent qu'elles auraient pu perdre à la suite d'accords conclus avant l'adoption de l'initiative.

LES FAITS
Il est important de comprendre qu'il y a deux prêts :
1)  La Confédération prête 6 milliards de francs à l'UBS, à 12,5 %. Cette somme sera convertie dans deux ans en actions UBS, au prix de 20 francs par action.
 http://www.news-service.admin.ch/NSBSubscriber/message/fr/22019
2)  La BNS prête 54 milliards de dollars à une « société à but spécial », constituée pour l'occasion et qui aura son siège aux Îles Cayman,  qui a pour but de racheter des « actifs illiquides » de l'UBS à hauteur de 60 milliards de dollars et de les revendre au cours des années à venir.
Les 6 milliards de francs prêtés par la Confédération à l'UBS doivent lui permettre d'investir 6 milliards de dollars dans la « société à but spécial ».

Qu'on le déplore ou s'en félicite, il semble probable que la majorité des citoyens de ce pays admette qu'il est nécessaire de sauver l'UBS de la faillite. A ce titre, il n'y a pas grand-chose à redire à un prêt à 12,5% de la part de la Confédération. La conversion du prêt en actions UBS est peut-être plus discutable, car la Confédération pourrait perdre de l'argent dans l'éventualité où l'action UBS baisserait. Toutefois, ce risque est compensé par les gains importants que la Confédération pourrait engranger si le cours de l'action remonte, comme le pense Hans-Rudolf Merz (Le Temps, 8.11.08). En outre, si la Confédération perd de l'argent, les actionnaires en perdront aussi. Dans, l'ensemble, l'accord passé entre la Confédération et UBS peut donc sans doute être qualifié d'honnête.
En revanche, le prêt de la BNS s'apparente à un cadeau pur et simple au bénéfice d'UBS. Il importe de se demander pourquoi la BNS prête de l'argent à une « société à but spécial » plutôt que directement à l'UBS. La raison, évidente, figure dans le communiqué de la BNS : « UBS pourra ainsi être déchargée de l'essentiel de son exposition résiduelle aux segments à problème du marché du crédit ». http://www.snb.ch/fr/mmr/reference/pre_20081016_1/source/pre_20081016_1.fr.pdf
Traduit en clair, cela veut dire que la BNS sera exposée à la place de l'UBS. Certes, tant que les pertes ne dépassent pas six milliards de dollars, elles seront à la charge de l'UBS. Mais tout ce qui dépassera ce montant représentera une perte sèche pour la Banque nationale. Selon le directeur de la BNS Jean-Pierre Roth « la diversité des actifs toxiques repris devrait permettre de limiter les dégâts ». (Le Temps, 17 octobre)  Ce qui sous-entend clairement que dégâts il y aura.
Il est impossible de prédire la somme que la « société à but spécial » tirera des 60 milliards d'actifs illiquides (qu'on appelle aussi « actifs pourris » ou « actifs toxiques ») qu'elle sera chargée de liquider. Une grande partie de ces actifs n'étant plus négociés sur le marché, leur prix d'acquisition par la « société à but spécial » sera fixé par une « expertise indépendante » qui fait un peu sourire, car personne ne peut savoir combien valent réellement ces actifs (n'oublions pas que ce sont les projections erronées d'« experts » qui ont mis UBS au bord de la faillite). Seule certitude: la BNS va payer un prix que personne d'autre au monde n'est prêt à mettre, car c'est la raison même de son intervention. La soi-disant « expertise indépendante » fixera donc le prix selon des critères politiques et il serait tout à fait inattendu que la « société à but spécial » fasse du bénéfice. Il est beaucoup plus probable qu'elle essuie des pertes qui seront répercutées sur la BNS, pendant que l'UBS assainie en profitera pour retrouver la voie des profits…

LES RAISONS D'AGIR
Il est prévu que le prêt de la Confédération soit soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale, mais celle-ci n'aura rien à dire concernant les 54 milliards avancés par la BNS, car celle-ci est indépendante du pouvoir politique. Pourtant, il s'agit bel et bien d'argent public. Rappelons que la BNS verse la plus grande partie de ses bénéfices à la Confédération et aux Cantons http://www.snb.ch/fr/iabout/snb/org/id/snb_org_indep. Il est donc fondamental que les citoyens de ce pays réagissent et appellent les gouvernements de leurs cantons respectifs à se joindre au mouvement de protestation.
Le lancement de l'initiative exercera une pression sur les experts qui décideront (avec des méthodes aussi objectives qu'une boule de cristal) de la quantité d'actifs illiquides que la société à but spécial recevra en échange des 60 milliards. Ainsi, nous pouvons contribuer immédiatement à limiter la quantité d'argent public perdu par la BNS au bénéfice d'UBS.
Lorsque l'initiative passera devant le peuple dans quelques années, si on s'aperçoit que la BNS a perdu de l'argent alors que l'UBS en gagne de nouveau beaucoup, on peut espérer que la majorité de la population estimera alors qu'il serait juste que l'UBS rembourse. L'effet rétroactif prévu par l'initiative deviendra alors très intéressant. La clause rétroactive a volontairement été formulée de manière imprécise, car il n'est pas sûr qu'il soit juridiquement possible de revenir sur un accord conclu par une autorité étatique. Mais même si les démarches de la Confédération pour récupérer l'argent de la BNS se limitent à une simple demande adressée à UBS sans contrainte juridique, on ose espérer que la pression d'un vote populaire amènerait UBS à céder.
Même si c'est le cadeau fait à UBS qui détermine le lancement de l'initiative, sa formulation est générale et devrait permettre de limiter à l'avenir d'autres faveurs abusives aux grandes entreprises.

FORMATION D'UN COMITE D'INITIATIVE
J'adresse ce message, en tant que simple citoyen de condition modeste, à un maximum de représentants du monde politique, du monde associatif et des médias. Mon fichier d'adresses étant tout à fait incomplet, je vous prie de diffuser ce document aussi largement que possible, en particulier en dehors du Canton de Neuchâtel et dans les autres régions linguistiques. Si les milieux les plus divers acceptent de s'engager, l'effort de chacun dans la récolte de signatures restera modéré.
J'invite les personnes, associations ou partis politiques intéressées à me contacter en vue de former un comité d'initiative (dont je ne souhaite pas forcément faire partie à titre personnel et que je ne veux surtout pas présider). Toute personne prête à traduire ce texte dans les autres langues nationales est bienvenue.                                                                                                                                      
La Chaux-de-Fonds, le 20 novembre 2008

08 novembre 2008

UBS : Mensonge par omission

Il y a de quoi tomber à la renverse en lisant le Temps du 8 novembre. Lorsque les journalistes Bernard Wutrich et Willy Boder interrogent Hans Rudolf Merz au sujet du « joli cadeau » que représentent les 60 milliards de dollars avancés à l’UBS, notre ministre répond simplement : « J’aimerais dissiper un malentendu. La Confédération ne verse pas l'argent du contribuable dans une banque. Je n'aurais jamais admis une telle décision. Il s'agit simplement d'un prêt à UBS, au taux de 12,5% ». Réponse vraie, mais vraie pour moins de 10%. En effet, le prêt de la Confédération ne représente que 6 milliards de CHF, alors que la BNS avance 54 milliards de dollars pour acheter des « actifs pourris », prenant ainsi le risque de perdre un très très gros paquet dans l’aventure, pendant que les actionnaires de l’UBS assainie continueront à toucher des dividendes.
« La Confédération ressortira gagnante », nous assure M.Merz. Mais on aurait vraiment aimé entendre son avis concernant la BNS. Que chacun décide qui fait le plus mal son travail : un conseiller fédéral qui ne répond qu’à 10% d’une question, ou bien les journalistes qui publient une telle réponse sans esprit critique ?

17 octobre 2008

Argent public détourné pour l'UBS

Je suis peut-être méfiant de nature, mais « les actifs toxiques » ne m'inspirent pas confiance. « La banque centrale assume tous les risques, car UBS - à qui la gestion des actifs sera déléguée - est totalement déliée de l'obligation de rembourser s'il y a des pertes », nous apprend Le Temps (17.10). Jean-Pierre Roth, directeur de la Banque nationale suisse, ne me rassure guère lorsqu'il affirme que « la diversité des actifs toxiques repris devrait permettre de limiter les dégâts ». Car cela sous-entend que dégâts il y aura, sous forme de cadeaux purs et simples des contribuables aux actionnaires de l'UBS. Même un petit pourcentage des 54 milliards avancés par la Banque nationale suisse, cela fait une somme rondelette.
Il était pourtant élémentaire d'éviter cela. La nécessité de sauver l'UBS n'est en rien une excuse à ce qui ressemble à un détournement de fonds pur et simple. Car on aurait pu exiger que les prévisibles pertes sur les actifs toxiques soient à la charge de l'UBS. Il serait tout simplement normal qu'on bloque tout versement de dividendes aux actionnaires tant que l'Etat n'aura pas été remboursé.
On a un peu trop tendance dans cette crise, à concentrer la critique sur les rentes abusives des PDG (refusons-nous à parler de salaires).  C'est oublier que les dividendes des actionnaires sont encore moins le fruit légitime d'un travail et que la seule chose qui les justifie, c'est que la mise de départ peut être perdue. Rappelons en effet qu'en cas de faillite, les actionnaires ne peuvent recevoir de l'argent que si tous les autres créanciers ont pu être remboursés au préalable.  
En mettant sur pied un montage financier où les pertes seront épongées par la collectivité alors que les actionnaires encaisseront de nouveau des dividendes dans un avenir proche, le Conseil fédéral, qui semble avoir oublié les principes les plus élémentaires du capitalisme, fait de nous une république bananière. Pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas rembourser les gens qui perdent au casino? 

Lettre de lecteur publiée dans le Temps, octobre 2008

26 septembre 2008

LETTRE OUVERTE A M.WILLEMIN



Monsieur le rédacteur en chef,

Au cours du débat du mercredi 24 septembre au Club 44, un spectateur vous a interrogé au sujet des profits de l'Impartial et l'Express. Vous avez donné au public présent l'impression d'une étrange ignorance.
Vous ne vous êtres apparemment jamais soucié de savoir combien les journaux que vous dirigez rapportent à leur propriétaire, le mystérieux M.Hersant que vous n'avez paraît-il vu qu'une seule fois, mais dont on peut soupçonner qu'il a envie de réaliser quelque profit financier grâce à ses acquisitions dans la région. Vous n'ignorez sans doute pas que nous vivons dans un monde où les gens riches estiment que leur argent leur donne droit à un revenu; où celui qui, ayant placé 1 millions, touche 100 000 francs par année (sans fournir aucun travail en contrepartie) aimerait en recevoir 150 000.
Lors de l'apéritif qui a suivi le débat, nous étions plusieurs à nous dire que le montant des profits de M.Hersant, s'il n'intéresse peut-être pas pas le rédacteur en chef que vous êtes, est d'un très grand intérêt pour les lecteurs. Vous avez souligné à plusieurs reprise à quel point les gens sont attachés à leurs quotidiens régionaux: ne seraient-ils pas en droit de savoir quel proportion de leurs frais d'abonnement finissent dans les poches du nabab qui s'est payé un élément si important de la vie des Montagnes neuchâteloises et des régions environnantes?

20 septembre 2008

Pourquoi je ne suis pas communiste

Avant la conférence du PST, le Neuchatelois, Christophe Schouwey, défend un parti « capable d’accueillir tous les militants potentiels ».
A l’heure où le Parti suisse du Travail envisage sérieusement de s’appeler « Parti communiste suisse », il est important de rappeler que tous ses membres ne se considèrent pas comme « communistes ». Ne pouvant parler au nom de tous, je n’exposerai dans ici que ma vision personnelle, même si je pense que de nombreux camarades me rejoignent sur bien des points.
J’étais communiste à quinze ans. Je rêvais d’une société sans argent, formée de citoyens suffisamment responsables pour travailler bénévolement et consommer sans abuser. D’ailleurs, tout le monde agit de temps à autre dans l’intérêt collectif sans chercher d’avantage personnel, que ce soit en travaillant bénévolement ou simplement en triant ses déchets. Plus ces comportements seront répandus, mieux nous vivrons ; peu importe que l’on appelle cela « communisme », « christianisme », « islam », « humanisme » ou « sens civique ». Mais je ne crois plus que toute la société puisse reposer sur ce principe et que des gens ordinaires tels que moi-même puissent construire une société complètement communiste. J’éprouve la même sympathie pour ceux qui croient à un futur communiste que pour ceux qui croient en un Dieu d’amour, mais je suis incroyant dans les deux cas.
Chacun choisit sa vie
Le peuple n’étant pas spontanément communiste, on a parfois envie que l’Etat l’y force. C’est d’ailleurs ce qu’il fait en partie, en Suisse comme ailleurs, et c’est très bien ainsi. Des institutions comme l’impôt progressif, les assurances sociales et bien d’autres, que le Parti a toujours défendues, sont inspirées de la devise communiste « de chacun ses capacités, à chacun ses besoins ». Ce principe contribue à rendre notre société plus humaine et plus juste. Mais un Etat qui le pousserait jusqu’à son extrême limite, décidant des capacités et besoins de chacun dans les moindres détails, ne serait-il pas liberticide ?
Certains souhaitent avoir un minimum de soucis et un maximum de temps libre, pendant que d’autres aspirent aux responsabilités et sont prêts à travailler quatre-vingts heures par semaines. Ceux qui attachent peu d’importance aux biens matériels sont perplexes face à ceux qui rêvent de luxe et sont prêts à trimer comme des fous, contribuant de la sorte à la prospérité commune. Au nom de quoi devrions-nous empêcher chacun de choisir sa vie ?
Ne pas confondre pouvoir et liberté
Jusqu’à présent, certains lecteurs se demandent peut-être en quoi je me distingue de la droite modérée, qui défend elle aussi un compromis entre liberté économique et solidarité. Il faut, tout simplement, différencier clairement liberté et pouvoir : faire ce qu’on veut de sa vie, ce n’est pas la même chose que faire ce qu’on veut de la vie des autres. La liberté de garder le fruit de son labeur est une bonne chose et n’a rien de capitaliste, car l’essence même du capitalisme est le pouvoir de garder le fruit du labeur des autres. Le petit entrepreneur qui crée des richesses en ne gagnant pas forcément plus que ses employés n’est pas un capitaliste. Au contraire, il vit de son travail et est exploité lui aussi par les millionnaires et milliardaires, ceux qui sont convaincus que c’est leur argent qui travaille. Eux que nous laissons à tort s’appeler « libéraux », alors qu’ils ne défendent pas tant la liberté de créer de la richesse que le pouvoir de se l’approprier.
Une tendance parmi d’autres
Au sein du Parti, Je n’ai jamais affirmé quoi que ce soit de contraire à ce qui figure dans cet article. Il est vrai que j’ai laissé, sans réagir, des camarades affirmer que nous étions un parti communiste, sous-entendant ainsi que j’étais d’accord avec eux, moi qui voulais simplement éviter un long et épuisant débat dont je ne percevais pas l’utilité, alors même que nous sommes d’accord sur l’essentiel des actions à mener ici et maintenant. Mais s’il y a un malentendu, je n’en suis pas le seul responsable, car on ne m’a jamais demandé si j’étais communiste ou pas. Le Parti ressemble un peu à une église qui accepterait les athées : on peut y adhérer sans être communiste, mais il ne faut pas le dire trop fort. J’ai toujours espéré quant à moi que ceux qui se disent « communistes » accepteraient à la longue de devenir une tendance du Parti parmi d’autres. Leur volonté de s’approprier maintenant le Parti en changeant son nom est un facteur de division et risque d’en éloigner des militants potentiels. Même si j’étais communiste, j’hésiterais donc sérieusement à baptiser ainsi Parti suisse du Travail.