Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

23 avril 2012

Tous contre la bureaucratie

Le PLR vient de déposer une initiative dont le texte exige des lois compréhensibles et simples, appliquées de façon efficace par les administration et les tribunaux. Le rêve. L'initiative anti-bureaucratique mérite une majorité soviétique. Espérons que la gauche avancera ses propres idées pour la mettre en oeuvre. Plutôt qu'un taux de TVA unique tel que le veut le PLR, supprimons la TVA sur la nourriture et les livres. Cessons de soumettre l'enseignement, la santé et le social à des tonnes de paperasse et à des procédures de contrôle prévues à l'origine pour l'industrie. Allégeons les contrôles pesant sur les chômeurs. Ne faisons plus subir chaque année des changements de caisses-maladie aux citoyens, aux pharmacies et aux
médecins. Pour mettre fin à l'absurdité de deux systèmes de retraite parallèles, fusionnons AVS et deuxième pilier. Supprimons la taxe Billag et finançons la télévision avec le budget de la Confédération. Introduisons un bulletin de versement unique, par lequel nous pourrions tout verser en une seule fois : impôts locaux et fédéraux, assurance-maladie, AVS, taxe militaire, etc. Un décompte global donnerait une vision d'ensemble permettant aux contribuables de comparer facilement leur situation respective, avec une procédure unique pour contester l'un ou l'autre point de la facture. Supprimons ces effets de seuils qui parfois font perdre des sommes importantes à des gens ayant gagné un franc de trop. N’oublions pas non plus la bureaucratie privée, en interdisant notamment les délais de résiliation scandaleusement longs imposés par les propriétaires de logement et les entreprises de téléphonie.

03 avril 2012

Incarnation et désirs charnels.

Et si Jésus avait été gay ? Tel est le thème amusant d'une exposition
de la galerie C à Neuchâtel (Le Matin, 2 avril). Hypothèse pas
vraiment probable, mais pas impossible non plus. Le Christ ayant eu la
chance de vivre à une époque sans paparazzi, nous ignorons tout de sa
vie intime. Ce sujet n'intéresserait d'ailleurs personne si l'Eglise,
obsédée qu'elle est par la sexualité, n'insistait pour affirmer que le
fils de dieu aurait répugné à s'incarner dans un corps vraiment humain
et à ressentir les mêmes désirs et plaisirs charnels que tout un
chacun. Le débat ayant ainsi été lancé par le Vatican, il est normal
que les artistes s'en emparent. Il n'y a absolument rien d'obscène à
imaginer que le Christ ait pu aimer, avec son corps, des femmes ou des
hommes.

A la gloire d'un compagnon de Pinochet.

Valparaíso, deuxième ville du Chili. Au sommet d'une de ses 45
collines trône le Musée naval et maritime. A l'entrée, une inscription
nous fait savoir que nous ne sommes pas là pour rêver aux vastes
espaces de l'océan, comme nous nous l'imaginions peut-être naïvement:
"Tu entres dans l'enceinte qui garde les reliques de ceux qui, par
leurs faits héroïques dans la guerre, et par leur conduite sage et
honorable dans la paix, ont rendu grand et respecté le nom de notre
marine". Une partie importante du musée glorifie les héros de la
Guerre du Pacifique (1879-1883) qui permit au Chili d'étendre son
territoire vers le nord sur près de 600km, s'appropriant ainsi de
lucratifs gisements de nitrates. Rien n'est prévu pour ménager les
sentiments des pays amputés par l'expansionnisme chilien, la Bolivie
et le Pérou.
Malgré cette atmosphère nationaliste et militariste, le visiteur
s’étonne néanmoins, au deuxième étage, de se retrouver dans une salle
dédiée à la mémoire de l'Amiral José Toribio Merino (1915-1996), un
des principaux instigateurs du coup d'Etat militaire du 11 septembre
1973 et un des quatre membres d'une junte militaire qui assassina des
milliers de personnes. Son portrait grandeur nature domine la salle et
on peut admirer la décoration reçue pour sa participation au coup
d'Etat. Ce fut lui en effet qui entraîna dans l'aventure le futur chef
de la junte, le tristement célèbre Augusto Pinochet (1915-2006). Dans
une missive du 9 septembre Merino prévint "Augusto" de l'imminence du
coup: "Sur ma parole d'honneur, le jour J sera le 11 et l'heure H sera
6h". "Si tu ne mets pas toute la force de Santiago dès le début, nous
ne vivrons pas pour voir le futur".
Le musée présente la proclamation faite le 11 septembre par Merino:
"Ceci n'est pas un coup d'Etat, car c'est un type de schéma qui ne
correspond pas à notre manière d'être et répugne à notre conscience
légaliste et notre profonde conviction civique. Nous poursuivons
uniquement le rétablissement d'un Etat de droit conforme aux
aspirations de tous les Chiliens...". Pas un mot sur l'absence
d'élections pendant les 17 années suivantes. "Formés à une école de
civisme, de respect pour la personne humaine, de vie en commun, de
justice et de patriotisme, nous ne poursuivons pas de finalité autre
que le bonheur de tous les Chiliens, quelle que soit leur condition,
afin qu'ils puissent vivre dans la paix et la tranquilité, sans
crainte du lendemain pour eux-mêmes ou leurs enfants." Pas un mot sur
les tortures.
Le sentimentalisme n'est pas pour autant absent de la salle. On peut
admirer les armoiries de la famille Merino, les photos de José Toribio
Merino enfant et de sa maison natale, ainsi que de son mariage, sans
oublier la douille tirée par l'escadre nationale lors de son accession
au grade de vice-amiral et une photo en compagnie de Jean-Paul II.
Sont également exposés quelques bibelots, cadeaux reçus par Merino de
la part du roi Juan Carlos d'Espagne, du vice-amiral Edwards de la
Britsh Royal Navy et du commandant en chef des forces d'opération de
la marine américaine. L'industrie minière a également offert un petit
souvenir à l'amiral, ce qui était la moindre des choses. Rappelons en
effet que la junte de Pinochet restitua aux industriels les mines
nationalisées par le président socialiste Salvador Allende
(1908-1973), celui-là même qui fut renversé par le coup d'Etat.
On peut également voir une statue en bronze de José Merino devant le
musée et en 1997 la marine chilienne a baptisé un de ses nouveaux
navires "Almirante Merino". Autant de preuves, s'il en fallait encore,
que la junte de Pinochet, 22 ans après de retour à la démocratie,
compte encore de nombreux partisans.