Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

17 novembre 2012

Joschka Fischer et la planète Mars.

Dans une interview parue dans le Temps du 15 novembre, l'ancien ministre allemand Joschka Fischer appelle la France et les pays du sud de l'Europe à imiter le modèle allemand dont il fut autrefois un des instigateurs : produire plus et consommer moins. Cette politique de la fourmi est d'une certaine manière un succès et a permis à l'Allemagne de conquérir de nombreux marchés. Mais un pays qui exporte plus qu'il n'importe a pour contrepartie nécessaire, c'est de la mathématique élémentaire, d'autres pays qui importent plus qu'il n'exportent et finiront tôt ou tard par ne plus pouvoir payer. La politique hyper-compétitive de l'Allemagne est donc une des principales causes des actuels problèmes de l'Europe du Sud. Joschka Fischer devrait comprendre qu'il est impossible que tous les pays du monde deviennent des exportateurs nets, sauf à trouver de nouveaux marchés sur la planète Mars. La solution consiste donc à faire l'exact contraire de ce qu'il préconise : mieux distribuer le pouvoir d'achat afin que le monde puisse, tout simplement, consommer ce qu'il est capable de produire. L'austérité n'aurait de sens que si elle ne portait que sur les activités les plus polluantes. Mais la décroissance non ciblée vers laquelle nous semblons aller – moins d'éducation, moins de services médicaux, moins d'infrastructures, moins de nouvelles énergies – n'est qu'une autodestruction pure et simple.

01 octobre 2012

Et si on revotait ?

Le 23 septembre, la majorité des Neuchâtelois s'est exprimée en faveur d'une amélioration du réseau ferroviaire. En effet, aux 49,7 % de « oui », il faut ajouter les voix de celles et ceux qui ont crû à toutes sortes de projets alternatifs, malheureusement aussi illusoires les uns que les autres. Nos élus sont pour l'heure dans le désarroi. Alors qu'ils savent au fond d'eux-mêmes qu'il n'y a que deux options envisageables, rénover la ligne actuelle ou revoter sur un tunnel en ligne droite entre les deux villes, ils n'osent défendre ni l'une ni l'autre, et prétendent être à la recherche d'une troisième possibilité imaginaire, le plan miracle auquel personne n'aurait encore pensé, après des années et années de réflexion.
 Il est fréquent en Suisse que des projets refusés une première fois par le peuple soient finalement acceptés sous une forme légèrement modifiée. Ceux qui ont voté « non » par révolte contre l'actuel gouvernement cantonal auront l'occasion en avril prochain de faire tomber les têtes qui leur déplaisent. Peut-être le nouveau Conseil d'Etat aura-t-il la crédibilité nécessaire pour faire passer un Transrun bis, en faisant moins de gaffes et en prenant en compte les craintes des opposants, par exemple en proposant un financement sur 50 ans plutôt que 25 ou en introduisant dans l'article constitutionnel des garanties pour les régions qui craignent d'être délaissées. Il conviendrait que les partisans du projet se mobilisent, par voie de pétition ou d'initiative, pour demander un nouveau vote. Cela donnerait à nos élus la justification dont ils rêvent pour pouvoir donner une deuxième chance au Transrun devant le peuple. Personnellement, aux prochaines élections, je ne donnerai ma voix qu'à des candidats s'engageant à faire voter un Transrun bis. Croire que nous ne revoterons jamais, c'est penser que le peuple est imbécile, car il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

01 septembre 2012

L'impôt sur la valeur locative est-il vraiment injuste?

Mme A, propriétaire à 100% de son logement, gagne 3000 francs, sans loyer à payer. Sa collègue Mme B paie CHF 1000.- de loyer, pour un logement identique à celui de Mme A, mais gagne 4000 francs car elle fait des heures sup'. Mme A et Mme B ont donc exactement le même niveau de vie. Elles paient le même impôt, car l'Etat considère correctement que Mme A jouit d'un revenu en nature de CHF.- 1000.-, un revenu de pierre bien solide, qui n'a rien de “fictif”. Mme A pourrait d'ailleurs le transformer en revenu monétaire à tout instant, simplement en prenant un locataire.
Il est ahurissant que la majorité de la classe politique, y compris des socialistes égarés, puisse considérer que Mme A, la propriétaire, soit victime d'une injustice. Si quelqu'un mérite une baisse d'impôts, c'est plutôt Mme B, la locataire, qui doit travailler plus que Mme A pour le même niveau de vie.
Certes, Mme A a dû travailler pour acheter son logement. Il n'en demeure pas moins qu'elle bénéficie d'un supplément de revenu, car elle jouit de son logement sans que sa valeur ne diminue. Elle gagne donc de l'argent grâce à sa fortune, au même titre que si elle l'avait investi en bourse. Il est juste que ce supplément soit imposé.
Les notions de mérite et d'enrichissement par le travail sont centrales dans notre société. Pourtant, la majorité semble estimer que l'argent gagné avec de l'argent doit être moins imposé que l'argent gagné en travaillant. C'est à se demander si les historiens du futur y comprendront quelque chose.

Deux trajets pour le prix d'un

Toutes les dépenses sont désagréables, mais certaines sont parfois incontournables. Ainsi, il est idiot de repousser une visite chez le dentiste pour faire des économies. De même, dans notre pays où on se déplace de plus en plus, il faut investir dans les transports publics. Même les automobilistes les plus accros, incapables de marcher cinq minutes (pour de bonnes ou de mauvaises raisons), ont tout intérêt à ce qu'on transfère une partie du trafic vers le rail. La Vue-des-Alpes est déjà saturée. En 2022, date prévue pour la mise en service, le Transrun sera devenu urgent pour accueillir au moins une partie des automobilistes en trop. On devra aussi augmenter les cadences sur les autres lignes. Or, le Transrun, qui entrera à Neuchâtel par le côté est, laissera de la place à l'ouest, dans le fameux goulet de Vauseyon, pour d'avantage de trains en direction de Fleurier ou Lausanne.
De sympathiques amateurs proposent des alternatives au Transrun. Ils ne rendent pas compte que les CFF ne creusent pas des tunnels au hasard, mais en fonction de l'ensemble du réseau suisse, en établissant les horaires des années à l'avance pour 75 000 trains par jour.
En réduisant de moitié la distance entre Neuch et la Tchaux, on usera deux fois moins les locomotives et les wagons et on payera deux fois moins longtemps le personnel. On pourra donc faire deux trajets pour le prix d'un, même si on ne sait pas encore si l'argent ainsi économisé sera utilisé pour faire baisser le prix du billet, pour financer les lignes de bus pour les villages ou simplement pour améliorer le budget de l'Etat et compenser une partie des frais de percement du tunnel.

28 juin 2012

Commerçants, laissez-nous vivre !

Il y a quelques années, plusieurs milliers de citoyens signèrent une pétition demandant que la Place du Marché de La Chaux-de-Fonds devienne une zone piétonne. Certains petits commerçants des alentours se mobilisèrent pour torpiller cette idée. Résultat, la place n'est libérée que pour des événement temporaires. Voilà maintenant, nous apprend l'Impartial du 21 juin, qu'« il n'est plus question, dans la configuration actuelle, de boucler la place pendant un mois ». Ainsi, il n'y aura un écran géant que pour les trois derniers matches de l'Euro.
Pourtant, Mesdames et Messieurs les commerçants, vous osez encore protester contre ce compromis du compromis. Plutôt que d'empêcher la ville de vivre, pourquoi ne profitez-vous pas des manifestations qui ont lieu sur la place pour lancer des offres promotionnelles et gagner de nouveaux clients ? La situation de vos établissements vous prédispose à attirer les gens qui aiment parcourir la ville à pied. Les zones piétonnes qui existent dans toutes les villes de Suisse, sauf la nôtre, profitent à de nombreux petits commerces. Si vous souhaitez vous concentrer sur la clientèle motorisée, peut-être devriez-vous songer à vous délocaliser à proximité d'une autoroute.


P-S.: m'étant rendu compte que la deuxième partie du texte était un peu trop virulente, je l'ai réécrite. Voici donc, ci-dessous, la version que j'aurais souhaité publier. Toutefois, à la suite d'une erreur, l'Impartial a malgré tout fait paraître la première version ci-dessus. Bien que je regrette un peu cette erreur, le texte publié m'a tout de même valu un certain nombre de félicitation. Pourtant, ces mêmes commerçants protestent encore contre ce compromis du compromis. Je ne doute pas que quelques-uns perdent de l'argent parce que leurs clients ne peuvent plus se garer. Mais ces sommes sont certainement dépensées dans d'autres boutiques ailleurs en ville. A moins qu'on leur donne un statut de fonctionnaires, les commerçants dépendront toujours des circonstances extérieures. Les chanceux y gagnent. Les malchanceux, malheureusement, y perdent. Cela ne leur donne pas pour autant le droit d'imposer leur loi et d'empêcher la ville de vivre.

14 juin 2012

Imagination, fontaines et sacs à dos.

Mystères des modes. Il y a des choses que tout le monde fait et
d'autres que personne ne fait, sans qu'il soit possible d'expliquer
pourquoi. Mauvais élèves, nous passons nos vies à copier les voisins
plutôt qu'à penser par nous-mêmes. Par exemple, il est totalement
inexplicable que les Suisses ne songent presque jamais à emmener un
sac à dos au supermarché, alors qu'ils savent tous qu'il est bien
moins fatiguant de marcher une dizaine de minutes avec quelques kilos
sur le dos qu'avec une anse qui scie les doigts. Ce poids qui vous
tire le bras fera basculer vos choix vers la voiture pour des trajets
où cela ne serait pas nécessaire, au détriment de votre santé et de
l'environnement.

Le Parlement fédéral envisage d'interdire les sacs en plastique. Voilà
une bonne idée qui sera d'autant mieux acceptée par la population si
on lui donne une alternative en faisant une campagne pour promouvoir
l'usage du sac à dos pour les achats. Aussi incroyable que cela puisse
paraître, nous sommes visiblement trop moutonniers pour penser tout
seuls à des choses toutes simples.

Il y a quelques années, Jacques Neirynck avait proposé au Parlement,
en vain, qu'on interdise les bouteilles en plastique. Là encore, la
lutte contre les emballages inutiles ne peut être menée à bien que par
une promotion active des alternatives, en l'occurrence l'eau du
robinet et les fontaines publiques, souvent en nombre insuffisant. Il
est tout à fait lamentable que dans bien des gares il soit impossible,
ailleurs qu'aux toilettes, de boire quelques gorgées d'eau avant de
prendre le train.

13 mai 2012

Plus on gagne, moins on paie!

Il y a des notions peu connues que tout le monde devrait connaître. Ainsi, il est regrettable que la différence entre le taux d'imposition moyen et le taux marginal ne soit pas enseigné dans les écoles, où les mathématiques sont souvent trop éloignées des réalités concrètes. Prenons l'exemple d'une personne domiciliée à La Chaux-de-Fonds dont le revenu imposable est de 40 000 francs. Elle devra payer un impôt, commune et canton compris, de 16% ; c'est le taux moyen. Si son revenu augmente, chaque franc supplémentaire sera imposé à 28% ; c'est le
taux marginal. Ce que le  contribuable doit payer au total représente donc un pourcentage moindre que ce qu'il doit payer sur la partie supérieure de son revenu. Celui-ci est découpé en tranches qui sont chacune imposées à un taux différent : 0% pour les 5000 premiers francs, 4% pour les 5000 francs suivants, etc. Ce taux augmente sans cesse jusqu'à atteindre 36% pour la partie du revenu située entre 150 000 et 180 000 francs, puis - surprise!- redescend à 29% à partir de 180 000 francs. Les augmentations de salaires sont donc moins imposées pour les très très gros revenus que pour les très gros revenus. On peut se demander si la majorité des habitants du canton pense vraiment qu'il s'agit d'un bon système, pour autant qu'on veuille bien le lui expliquer. Il est regrettable que la commission de fiscalité, dans son rapport du 23 mai, se contente de proposer de baisser légèrement ces taux (34% entre 155 000 et 195 000 francs et 28,23% à partir de 195 000 francs). Une remise en question plus approfondie aurait été souhaitable.
N.B. : Pour les habitants d'autres communes, les chiffres peuvent être différents de ceux de la Chaux-de-Fonds, mais le raisonnement sera exactement le même. A tout cela s'ajoute bien sûr l'impôt fédéral direct. Là, il faut être vraiment richissime pour voir le taux marginal baisser. Pour les célibataires, 13,5% entre CHF 134 000.- et CHF 755 000.-, puis 11,5% à partir de CHF 755 000.-; pour les couples mariés, 13,2% entre CHF 145 000.- et 895 000.-, puis 11.5%.

07 mai 2012

Une idée trop audacieuse


« Qui ose critiquer la pensée dominante ? » Tel est le titre d'un article d'Andreas Höffert (le Temps, 7.5.12), qui se lamente à juste titre du manque d'idées des économistes « orthodoxes », qui n'ont rien à proposer pour sortir de la crise. Aveu magnifique de la part d'un économiste en chef de l'UBS ! A première vue, il est vrai, la crise est mystérieuse. Pourquoi l'économie ne fonctionne-t-elle plus alors qu'il n'y a eu ni tsunami, ni guerre, ni épidémie ? En fait, il s'agit d'un simple problème de lubrification. Les échanges sont bloqués parce l'argent, qui est à l'économie ce que l'huile est à un moteur, ne circule plus suffisamment. De nos jours, dans une grande partie du monde, ceux qui contrôlent la richesse font la grève de l'investissement : le peuple des moutons, trop tondu, n'a plus assez de laine et n'est plus un placement rentable. Sans investissements, l'économie ne peut pas redémarrer. Si l'économie ne redémarre pas, les investissements continueront à ne pas être rentables. Voilà un cercle vicieux dont nous ne sommes pas près de sortir. Comment les Etats pourraient-ils à la fois se désendetter et investir, sans chercher le profit, l'argent que la finance ne veut plus investir ? Comment donner à la population le pouvoir d'achat qui permettrait de relancer l'économie ? Cela semble impossible, à moins de mieux redistribuer les richesses. Mais il s'agit visiblement d'une idée bien trop audacieuse pour M.Höffert et les économistes orthodoxes.

23 avril 2012

Tous contre la bureaucratie

Le PLR vient de déposer une initiative dont le texte exige des lois compréhensibles et simples, appliquées de façon efficace par les administration et les tribunaux. Le rêve. L'initiative anti-bureaucratique mérite une majorité soviétique. Espérons que la gauche avancera ses propres idées pour la mettre en oeuvre. Plutôt qu'un taux de TVA unique tel que le veut le PLR, supprimons la TVA sur la nourriture et les livres. Cessons de soumettre l'enseignement, la santé et le social à des tonnes de paperasse et à des procédures de contrôle prévues à l'origine pour l'industrie. Allégeons les contrôles pesant sur les chômeurs. Ne faisons plus subir chaque année des changements de caisses-maladie aux citoyens, aux pharmacies et aux
médecins. Pour mettre fin à l'absurdité de deux systèmes de retraite parallèles, fusionnons AVS et deuxième pilier. Supprimons la taxe Billag et finançons la télévision avec le budget de la Confédération. Introduisons un bulletin de versement unique, par lequel nous pourrions tout verser en une seule fois : impôts locaux et fédéraux, assurance-maladie, AVS, taxe militaire, etc. Un décompte global donnerait une vision d'ensemble permettant aux contribuables de comparer facilement leur situation respective, avec une procédure unique pour contester l'un ou l'autre point de la facture. Supprimons ces effets de seuils qui parfois font perdre des sommes importantes à des gens ayant gagné un franc de trop. N’oublions pas non plus la bureaucratie privée, en interdisant notamment les délais de résiliation scandaleusement longs imposés par les propriétaires de logement et les entreprises de téléphonie.

03 avril 2012

Incarnation et désirs charnels.

Et si Jésus avait été gay ? Tel est le thème amusant d'une exposition
de la galerie C à Neuchâtel (Le Matin, 2 avril). Hypothèse pas
vraiment probable, mais pas impossible non plus. Le Christ ayant eu la
chance de vivre à une époque sans paparazzi, nous ignorons tout de sa
vie intime. Ce sujet n'intéresserait d'ailleurs personne si l'Eglise,
obsédée qu'elle est par la sexualité, n'insistait pour affirmer que le
fils de dieu aurait répugné à s'incarner dans un corps vraiment humain
et à ressentir les mêmes désirs et plaisirs charnels que tout un
chacun. Le débat ayant ainsi été lancé par le Vatican, il est normal
que les artistes s'en emparent. Il n'y a absolument rien d'obscène à
imaginer que le Christ ait pu aimer, avec son corps, des femmes ou des
hommes.

A la gloire d'un compagnon de Pinochet.

Valparaíso, deuxième ville du Chili. Au sommet d'une de ses 45
collines trône le Musée naval et maritime. A l'entrée, une inscription
nous fait savoir que nous ne sommes pas là pour rêver aux vastes
espaces de l'océan, comme nous nous l'imaginions peut-être naïvement:
"Tu entres dans l'enceinte qui garde les reliques de ceux qui, par
leurs faits héroïques dans la guerre, et par leur conduite sage et
honorable dans la paix, ont rendu grand et respecté le nom de notre
marine". Une partie importante du musée glorifie les héros de la
Guerre du Pacifique (1879-1883) qui permit au Chili d'étendre son
territoire vers le nord sur près de 600km, s'appropriant ainsi de
lucratifs gisements de nitrates. Rien n'est prévu pour ménager les
sentiments des pays amputés par l'expansionnisme chilien, la Bolivie
et le Pérou.
Malgré cette atmosphère nationaliste et militariste, le visiteur
s’étonne néanmoins, au deuxième étage, de se retrouver dans une salle
dédiée à la mémoire de l'Amiral José Toribio Merino (1915-1996), un
des principaux instigateurs du coup d'Etat militaire du 11 septembre
1973 et un des quatre membres d'une junte militaire qui assassina des
milliers de personnes. Son portrait grandeur nature domine la salle et
on peut admirer la décoration reçue pour sa participation au coup
d'Etat. Ce fut lui en effet qui entraîna dans l'aventure le futur chef
de la junte, le tristement célèbre Augusto Pinochet (1915-2006). Dans
une missive du 9 septembre Merino prévint "Augusto" de l'imminence du
coup: "Sur ma parole d'honneur, le jour J sera le 11 et l'heure H sera
6h". "Si tu ne mets pas toute la force de Santiago dès le début, nous
ne vivrons pas pour voir le futur".
Le musée présente la proclamation faite le 11 septembre par Merino:
"Ceci n'est pas un coup d'Etat, car c'est un type de schéma qui ne
correspond pas à notre manière d'être et répugne à notre conscience
légaliste et notre profonde conviction civique. Nous poursuivons
uniquement le rétablissement d'un Etat de droit conforme aux
aspirations de tous les Chiliens...". Pas un mot sur l'absence
d'élections pendant les 17 années suivantes. "Formés à une école de
civisme, de respect pour la personne humaine, de vie en commun, de
justice et de patriotisme, nous ne poursuivons pas de finalité autre
que le bonheur de tous les Chiliens, quelle que soit leur condition,
afin qu'ils puissent vivre dans la paix et la tranquilité, sans
crainte du lendemain pour eux-mêmes ou leurs enfants." Pas un mot sur
les tortures.
Le sentimentalisme n'est pas pour autant absent de la salle. On peut
admirer les armoiries de la famille Merino, les photos de José Toribio
Merino enfant et de sa maison natale, ainsi que de son mariage, sans
oublier la douille tirée par l'escadre nationale lors de son accession
au grade de vice-amiral et une photo en compagnie de Jean-Paul II.
Sont également exposés quelques bibelots, cadeaux reçus par Merino de
la part du roi Juan Carlos d'Espagne, du vice-amiral Edwards de la
Britsh Royal Navy et du commandant en chef des forces d'opération de
la marine américaine. L'industrie minière a également offert un petit
souvenir à l'amiral, ce qui était la moindre des choses. Rappelons en
effet que la junte de Pinochet restitua aux industriels les mines
nationalisées par le président socialiste Salvador Allende
(1908-1973), celui-là même qui fut renversé par le coup d'Etat.
On peut également voir une statue en bronze de José Merino devant le
musée et en 1997 la marine chilienne a baptisé un de ses nouveaux
navires "Almirante Merino". Autant de preuves, s'il en fallait encore,
que la junte de Pinochet, 22 ans après de retour à la démocratie,
compte encore de nombreux partisans.

14 février 2012

POUR UNE VRAIE PLACE DE LA GARE

1. Projet des autorités. Présentation corrigée
de façon à ce que le plan corresponde à la réalité.
Pour l'original: http://www.placedelagare.ch/circulations.php
2. Projet alternatif "Pour une vraie Place de la Gare"



























Ce texte est une version largement révisée d'une lettre envoyée aux autorités, tenant compte de leurs objections.

Les autorités chaux-de-fonnières prévoient un vaste réaménagement de la Place de la Gare. Elles veulent notamment déplacer la zone de stationnement des bus vers l'ouest, afin que ceux-ci passent autour de la Chambre d'horlogerie. Toutefois, le vaste espace libéré de la sorte n'est pas bien exploité. Le projet officiel ne laisse aux piétons que deux demi-places, séparées par un parking. Soit dit en passant, il est tout à fait regrettable que le plan présenté par les autorités baptise "espace privilégié piéton" une zone qui sera traversée par des bus toutes les cinq minutes, raison pour lequel nous avons dû en corriger la présentation (plan 1 ci-dessus).

Nous laissons passer l'occasion de créer une vraie place, un vaste espace qui pourrait accueillir des terrasses de café comparables à celles de la Place des Halles de Neuchâtel, ainsi que de nombreuses manifestations culturelles : concerts, théâtre de rue, carrousels, marchés aux puces, concours de pétanque, sculptures de neige et autres manifestations en tout genre. Mettez-vous à la place des organisateurs d'événements : il vous semblera évident qu'un lieu où passent plusieurs milliers de voyageurs par jour offre une visibilité bien supérieure à la place du Marché ou à Espacité. La Place de la Gare a vocation à devenir le véritable centre de la ville. Les autorités commettent une grande erreur lorsque elles la conçoivent comme un simple lieu de passage.  Une ville qui sépare les lieux d'activités des lieux de passages donne aux visiteurs une impression de ville morte. Offrons-leur plutôt l'image d'une ville animée.

Par bonheur, l'intervalle entre le bâtiment de la Poste et la Chambre patronale est suffisamment important pour qu'on puisse y faire passer les voitures le long de la Poste, un couloir piéton au milieu ainsi que les bus le long de la Chambre patronale. Il est vrai qu'il faudrait alors, par rapport au projet officiel, déplacer d'une dizaine de mètres vers l'ouest la zone de stationnement des bus (ceux-ci ayant de la difficulté à négocier des virages trop serrés), ce qui obligerait probablement à la surélever un peu par rapport au reste de la place, car la rue des Armes-Réunies, à l'ouest de la Chambre, est plus élevée. Mais cela n'est probablement pas un problème insurmontable.

Comme le montre le plan n°2 ci-dessus, on pourrait mettre le parking juste à côté de la zone de stationnement des bus, en laissant toutefois un couloir pour les piétons qui souhaiteraient se diriger droit devant en sortant de la Gare. En arrondissant le coin de la zone voitures (après tout, celles-ci ne tournent pas à angle droit) juste devant la Gare, on pourrait faire en sorte que les piétons qui passent par la porte principale ne se trouvent pas nez à nez avec le parking.

Tout l'est de la Place pourrait être 100% piéton, ainsi que la rue située entre la Poste et le Terminus, de même, peut-être, que le tronçon de la rue Daniel Jean-Richard qui joint la Place de la Gare et la partie déjà piétonne de cette rue, située devant Métropole-Centre. Les places de parcs ainsi perdues seraient récupérées au sud de la Gare, où un grand parking est prévu. Certains objectent à cela que les commerçants demandent des places de parc à proximité de leurs établissements. Pourtant, ceux-ci, notamment les cafés, ont tout à gagner si la place devient plus animée, d'autant plus qu'avec le Transrun, on prévoit un triplement du nombre de voyageurs.

Il est indéniable que la présente proposition est tardive et engendrerait retards et frais supplémentaires. Il est extrêmement regrettable que personne n'y ait pensé plus tôt. L'esthétique de la place, pour laquelle un concours a déjà eu lieu et un gagnant a été désigné, devrait peut-être, le cas échéant, être repensée. Toutefois, le Transrun étant prévu pour 2020, la précipitation n'est pas de mise dans ce dossier, qui mérite peut-être d'être encore creusé.





                                

     

06 février 2012

Projet "pour une vraie Place de la Gare" (suite)

Vous avez peut-être lu mon message précédent au sujet de mon projet Pour une vraie place de la gare, où je propose d'en faire une vaste place qui pourrait accueillir toutes sortes d'activités, sans entraver le transit qui s'y déroule.

J'ai depuis été reçu par l'aménagiste Philippe Carrard, ainsi que par le chef de projet Nicolas Vuilleumier. L'entretien a été convivial et très intéressant et m'a permis de mieux comprendre toute la complexité de ce genre de dossier où il faut ménager grand nombre d'intérêts contradictoires. Toutefois, je continue à penser que nous ratons une occasion. Malgré les grandes compétences techniques de MM. Carrard et Vuilleumier, je pense que le projet a été conçu en fonction de principes en partie erronés.

La première erreur est de considérer que la Place de la Gare doit être avant tout un lieu de passage, n'ayant pas vocation à accueillir de nombreuses activités. Je pense quant à moi que toute manifestation, quelle qu'elle soit (cinéma en plein air, concours de pétanque, sculptures de neiges, etc. etc.) perd une grande partie de son public potentiel si elle située à l'écart des lieux de transit. Une ville qui sépare les lieux d'activités des lieux de passages donne l'impression, à première vue, d'être une ville morte. La Place de la Gare pourrait offrir un espace à la fois plus vaste, plus plat et plus passant qu'Espacité. Elle a vocation à être une vitrine de la ville à destination du nouvel arrivant.

La deuxième erreur consiste à tolérer que des espaces dit "piétons" soient traversés par des véhicules. Le projet de la commune prévoit devant la Gare un vaste désert minéral où l'on ne pourra jamais rien organiser car il sera parcouru par des bus toutes les cinq minutes. Le couvert situé devant la Gare n'offrira que des possibilités limitées de ce point de vue. La suppression des places de parcs pour l'organisation de manifestations ne sera possible qu'occasionnellement.

Parmi les objections que MM.Carrard et Vuilleumier ont présentées au projet "pour une vraie Place de la Gare", quatre méritent d'être relevées:
1. L'objection présentée dans l'article de M.Nussbaum, paru dans l'Impartial, selon laquelle les piétons partant droit devant eux depuis la Gare n'auraient pas un passage facile est fausse. Il est possible d'aménager, en partant de la porte du bâtiment de la Gare, un couloir piéton suffisamment large entre les bus et les voitures.
2. Les commerces de l'est de la Place, qui ont souhaité des places de parc à proximité, en seraient moins proches dans le projet "pour une vraie Place de la Gare". C'est indéniable. Je pense que ces commerces seront malgré tout grandement favorisés par la fréquentation plus grande de la place. Les cafés, en particulier, auraient plus d'espace pour installer des terrasses.
3. Selon le projet "pour une vraie Place de la Gare", les bus devraient passer non pas le long de la poste, comme c'est le cas dans le projet de la commune, mais une quinzaine de mètre plus à l'ouest, afin que voitures et piétons puissent passer entre le couloir des bus et la poste. Cela rendrait nécessaire un déplacement vers l'ouest (entre dix et quinze mètres) de l'espace de stationnement des bus. D'autre part, les bureaux des TC prévus dans le bâtiment de la Poste, déjà relativement loin des bus dans le projet de la commune, se retrouveraient encore plus éloignés et il faudrait peut-être trouver une autre solution. En autre, vue la pente existante dans cette partie de la place, l'espace de stationnement des bus, qui doit être plat, se retrouverait rehaussé, peut-être d'un mètre, au-dessus de ce qui restera du parc de la Gare, ce qui est moins pratique que si elle trouvait au même niveau.
4. Enfin, il est indéniable que ma proposition est tardive et engendrerait retards et frais supplémentaires. Je regrette profondément de ne pas y avoir pensé plus tôt. L'esthétique de la place, pour laquelle un concours a déjà eu lieu et un gagnant a été désigné, devrait peut-être, le cas échéant, être repensée. Toutefois, le Transrun étant prévu pour 2020, la précipitation n'est pas de mise dans ce dossier, qui mérite peut-être d'être encore creusé.

Envoyé à divers correspondants.

01 février 2012

Un précurseur de Darwin, il y a deux mille ans.

Écrit au premier siècle avant Jésus-Christ, De la Nature des Choses, texte fascinant du philosophe romain Lucrèce, a échappé à des milliers de générations de souris. Cette œuvre nous est miraculeusement parvenue grâce aux moines copistes du Moyen-Âge, qui ont bien voulu la sauver malgré sa philosophie matérialiste. Lucrèce pense que tout est fait d'atomes dénués de volonté. Les êtres vivants ne sont que des assemblages de hasard, destinés à se décomposer un jour. Les dieux, qui ne soucient pas de l'humanité, sont formés eux aussi d'atomes et sont tout aussi mortels que les autres êtres.
De la Nature des Choses est une tentative de tout expliquer à partir des atomes, y compris ce que nous appelons la biologie, à laquelle est consacré le livre V, dont sont tirés les passages cités ici. A première vue, Lucrèce est loin de Darwin. La notion d'évolution des espèces est totalement étrangère au philosophe romain. Les êtres vivants « se forment au sein de la terre, engendrés par l'eau des pluies et la chaleur du soleil. » Cette idée, qui est compatible avec des observations superficielles, est connue dans l'histoire de la biologie sous le nom de « génération spontanée ». Lucrèce pense que ce mécanisme, aujourd'hui limité et ne produisant que des êtres de petite taille, tels que des vers ou des insectes, était bien plus puissant par le passé : « Il n'est donc pas étonnant qu'il en soit né de plus nombreux et de plus grands alors qu'ils pouvaient se développer dans toute la nouveauté de la terre et de l'air ».
Ainsi s'explique également la naissance de l'humanité, d'une façon aussi peu darwinienne que chrétienne : « Chaleur et humidité abondaient dans les campagnes. Aussi, partout où la disposition des lieux s'y prêtait, des matrices croissaient-elles enracinées dans le sol, et le terme venu, l'âge libérait les nouveau-nés fuyant l'humidité et aspirant à l'air libre ». Qu'on ne s'étonne pas de ne plus observer ce phénomène, car le monde s'use : « Mais il y a un terme à la fécondité, et la terre cessa d'enfanter, telle une femme épuisée par l'âge. » Là encore, nous avons une idée tout sauf darwinienne.
Pourtant, malgré des conceptions largement opposées, Darwin et Lucrèce étaient confrontés à la même question fondamentale. Bien que l'un ait crû en Dieu et l'autre aux dieux, ils tentaient tous les deux d'expliquer le monde en termes mécanistes, sans recourir à des explications surnaturelles, qu'il se soit agi d'être divins ou de « forces vitales ». Dans une telle posture, même les êtres éminemment complexes que nous sommes sont le résultat du hasard, ce qui, en première analyse, peut sembler complètement impossible. La réponse à cet apparent paradoxe fut la grande contribution de Darwin (et de Wallace, qui eut la même idée au même moment).
Dans son livre de 1859, « De l'Origine des Espèces par la Sélection Naturelle », un des plus importants de l'Histoire mondiale des sciences, Darwin explique que les organismes vivants produisent des descendants en trop grande abondance pour que tous puissent survivre. Seuls ceux qui sont le mieux adaptés aux conditions environnementales pourront avoir une descendance. Ainsi, les caractéristiques les mieux adaptées à la survie se transmettront de génération en génération. Il en résultera, au fil des millions d'années, des organismes tellement bien faits qu'ils donnent l'impression d'avoir été mis au point dans les moindre détails par un Créateur. C'est dans cette découverte que réside le véritable coup de génie de Darwin, car plusieurs penseurs avant lui, notamment le Français Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829), avaient déjà formulé l'idée de l'évolution. Mais il leur en manquait le mécanisme.
Pourtant, la sélection naturelle avait été imaginé dix-huit siècles plus tôt, bien avant l'idée d'évolution elle-même. Lucrèce n'avait évidemment aucune notion de génétique et de mutants. Il imagine, tout simplement, que le hasard engendre naturellement la diversité : « Que de monstres la terre en travail s'efforça de créer, étranges de traits et de structure ! On vit l'androgyne, qui tient des deux sexes mais n'appartient à aucun [...] On vit des êtres sans pieds et sans mains. » Tout comme Darwin, Lucrèce pense que les organismes inadaptés ne survivent pas : « Tous ces monstres et combien d'autres de même sorte furent créés en vain [...] ils ne purent toucher à la fleur de l'âge, ni trouver de nourriture, ni s'unir par les liens de Vénus. » La disparition étant la norme, il faut expliquer la survie : « Toutes celles que tu vois respirer l'air vivifiant, c'est la ruse ou la force, ou enfin la vitesse qui dès l'origine les a défendues et conservées ».
La convergence entre Darwin et Lucrèce, à la fois étonnante et logique, est des plus instructives pour comprendre une autre évolution, celle des idées scientifiques. Elle montre la fécondité de la vision atomiste du monde, qui permit à Lucrèce d'énoncer un mécanisme qui fut si difficile à concevoir dix-neufs siècles plus tard, alors que la biologie avait pourtant déjà accomplie de prodigieuses avancées.

Source: Lucrèce. De la Nature. Traduction de Henri Clouard. Garnier-Frères. 1964.

Paru dans le Courrier aujourd'hui. On m'a depuis fait remarquer que Lucrèce reprenait des idées formulées plusieurs siècles auparavant, notamment Aristote, Empédocle ou Anaxagore. 

31 janvier 2012

Langue de bois à La Chaux-de-Fonds


En haut, sur le plan 1, nous sommes plongés dans le chaos. Bientôt, tout sera ordre, calme et limpidité, comme on le voit sur le plan 2. Tel est le message subliminal qu'essaient de faire passer les autorités chaux-de-fonnières au sujet du projet de réaménagement de la Place de Gare. Pourtant, un examen même rapide du plan 2 permet de constater que le soi-disant "espace piéton" est partagé avec des bus, alors que l'autoproclamé "espace détente" est traversé par des voitures. On sait que les autorités chaux-de-fonnières sont échaudées par le rejet de plusieurs projets d'urbanisme en votation. Apparemment, elles en ont définitivement tiré la conclusion que le peuple est idiot. (source: http://www.placedelagare.ch/circulations.php)

...

Plan 1. Avant transformation. Le chaos.
Plan 2. Après transformation. Ordre, calme et volupté

22 janvier 2012

Ne confondons pas élites et élites.

Christophe Blocher est un politicien qui base ses discours sur la dénonciation des politiciens. Cette contradiction est relevée avec justesse par Yves Pétignat dans son article du 20 janvier, « Les élites, véritables cibles de l'UDC ». Toutefois, M.Pétignat oublie que Blocher n'attaque pas toutes les élites. Il ne critique les dirigeants de l'économie que lorsque ceux-ci sont déjà à terre, comme dans le cas de Swissair ou de l'UBS. La vision de l'UDC n'est donc qu'en apparence anti-élitaire et vise en réalité à un affaiblissement de l'Etat en vue de renforcer, justement, le pouvoir des élites économiques. C'est par pure démagogie ce parti prétend s'en prendre aux plus puissants, alors qu'en réalité il est le pire ennemi des plus faibles. Une démagogie dont Yves Pétignat, par son analyse insuffisamment approfondie, se fait le complice malgré lui.
Envoyé au Temps

18 janvier 2012

Rendons justice à Bonhôte !

Avez-vous déjà entendu parler de chômeurs qui continuent à toucher leurs indemnités après avoir retrouvé un emploi ? Oui. Il s'agit de gens bien connus : les conseillers communaux ou conseillers d’État à la retraite. Il y a pourtant des exceptions. L'Impartial et l'Express du 13 janvier 2012 nous apprennent que Pierre Bonhôte, ancien conseiller communal socialiste à Neuchâtel, se sent discriminé parce qu'il n'a touché que 49 mensualités. Ne croyez pas qu'il a perdu sa rente à cause de l'emploi fort bien payé qu'il occupe, celui de chimiste cantonal. Son indemnité était limitée dans le temps parce qu'il a quitté ses fonctions avant 40 ans. Quatre ans, c'est deux fois plus que ce que peut percevoir un chômeur ordinaire, mais c'est évidemment beaucoup moins que la rente à vie que souhaitait M. Bonhôte.
On pourrait remédier à son terrible sentiment d'injustice en supprimant le système de rente à vie. Celui-ci sert soi-disant à aider ses bénéficiaires à se réinsérer, mais alors j'aimerais qu'on explique pourquoi une personne qui a retrouvé un emploi continue à percevoir une aide. Certes, les retraités de luxe des exécutifs ne sont pas tous pourris, car certains reversent leur rente à leur parti, mais ceux-ci pourraient très bien être financés autrement. S'il y avait une votation, les rentes à vie seraient balayées par le peuple. Malheureusement, on ne peut guère compter sur les milieux politiques pour mettre ce sujet sur la table.


09 janvier 2012

Le président a la mémoire Kurth


« La Chaux-de-Fonds et l'Arc jurassien sont bel et bien le berceau de l'industrie horlogère », affirme M. Laurent Kurth (Impar/Express, 7 janvier). Même si le marché du tic-tac est peut-être plus soucieux de bling bling que de vérité historique, on est en droit d'attendre, de la part du président de la Ville de la Chaux-de-Fonds, des connaissances un petit peu plus exactes au sujet de l'industrie de la précision, qu'il a la charge de défendre. N'en déplaise aux adeptes du cocorico, il n'y avait guère que des loups dans nos montagnes au XIIIème siècle, lorsque les premières horloges mécaniques furent construites à l'étranger. Plus près de nous dans le temps, le plus grand horloger de l'Histoire fut sans doute l'Anglais John Harrison (1693-1776). Grâce à des années de travail acharné, ce simple charpentier parvint, au nez et à la barbe des plus grands intellectuels, à trouver une solution au grand problème de son époque : la mesure en mer de la longitude (position sur l'axe est-ouest). Il était nécessaire de savoir l'heure pour déterminer la position du navire en fonction des étoiles, car la terre tourne. John Harrison fut le premier à fabriquer des garde-temps suffisamment précis, qui plus est résistants aux dures conditions de l'océan, évitant ainsi de nombreux naufrages. Il est dommage que ces faits ne soient pas mieux connu en nos terres horlogères. Espérons que le futur Musée d'Histoire saura replacer notre industrie dans son contexte international.

05 janvier 2012

Le Capitalisme, mis en alexandrins.

L'existence de nos démocraties, voire, de plus en plus, leur inexistence, est largement déterminée par la finance, que le grand public, souvent saisi d'une légitime répugnance, comprend si mal. Nous ne pouvons donc que saluer la première œuvre théâtrale de Frédéric Lordon, l'économiste bien connu : « D'un retournement l'autre. Comédie sérieuse en quatre actes et en alexandrins », parue en 2011 au Seuil. Comme le voulait son auteur, la pièce est jouée par de petites troupes dans diverses régions de France. Elle fait à la foi pleurer et rire, offrant un contraste entre le raffinement de la langue classique et la vulgarité du capitalisme. Lorsque le rideau se lève, les banquiers, pris au piège des prêts fantaisistes engloutis dans l'immobilier américain, les célèbres subprimes, sont en pleine panique :
   Des villas somptueuses sont au prix de cabanes, 
   L'immobilier s'écroule, nous passons pour des ânes. 
   Les courtiers ont menti et dans les formulaires 
   Gonflé les revenus, inventé les salaires. 
Pendant ce temps, « le président », dans son palais, ne sait pas encore ce qui se trame. On reconnaît sans peine Nicolas Sarkozy, qui voulait à l'époque faire adopter en France, ne l'oublions pas, le même système qu'aux Etats-Unis, celui qui a amené des millions d'Américains à se faire expulser de leurs maisons :        
   Permettre à tous les gueux d'apporter leur maison, 
   Comme collatéral de leur consommation. 
   Si l'immobilier monte, ils peuvent emprunter, 
   Et ainsi d'avantage encore consommer. 
Comme on peut s'y attendre, un fois informé de la débâcle bancaire, le président n'hésite pas très longtemps :
  Si les tirer d'affaire c'est sauver le système, 
  Et surtout moi avec, pensons-y tout de même. 
On sait ce qu'il advint. Une fois sauvés par l'Etat, les banquiers n'investissent pas pour autant leur argent dans l'économie réelle :
  Quant à moi, je sais bien ce que je dois en faire, 
  Et j'incline à penser que le plus salutaire, 
  Est encore à la Bourse de l'aller investir, 
  Plutôt qu'en l'industrie de le laisser croupir. 
Nous ne dévoilerons pas la suite. Vous avez déjà compris que les banquiers font rimer leurs « bonus » avec le « médius », le doigt d'honneur qu'ils nous tendent...