Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

17 novembre 2010

Le Temps, "média suisse de référence", supporte-t-il la critique?

Pierre Veya, rédacteur en chef du Temps, est vraiment furax...

Petit rappel. L'initiative socialiste pour des impôts équitables prévoit que tous les cantons devront prélever au minimum 22% d'impôts sur les tranches de revenus dépassant 250 000 francs. Cela signifie qu'un revenu de 250 000 francs "seulement" ne serait pas concerné. Même un revenu de 500 000 pourrait très bien être imposé plus bas que 22%: un canton pourrait très bien choisir, par exemple, d'imposer à 10% la tranche du revenu au dessous de 250 000 et à 22% la tranche entre 250 000 et 500 000, ce qui donnerait un taux moyen de 16%.
Cette donnée essentielle a été l'objet d'un certain nombre d'erreurs dans les médias. En particulier, Emmanuel Garessus, éditorialiste du Temps, a affirmé qu'un revenu de 250 000 francs serait taxé à 22%. L'erreur était grossière. Il a pourtant fallu que j'adresse quatre messages, en menaçant à deux reprises de saisir le Conseil de la Presse, pour que le Temps accepte enfin de publier un rectificatif.
Comme d'habitude en pareil cas, il y avait inégalité de traitement entre désinformation et vérité. Alors que l'article fautif avait bénéficié d'un gros titre, le rectificatif devait se contenter d'un dérisoire bas de page. Pour tenter d'un peu compenser cette injustice, j'ai diffusé aussi largement que possible un texte intitulé "le Temps admet enfin son erreur", que l'hebdomadaire Domaine public a eu la bonne idée de publier.
Dans cet article, j'expliquais également à quel point il m'avait fallu insister pour obtenir le rectificatif, car cela démontrait que certains journalistes peuvent faire preuve de suffisance lorsqu'un petit lecteur de rien du tout ose les remettre en question. Cela n'a vraiment pas plu au rédacteur en chef du Temps, qui a rédigé une lettre pleines de qualificatifs infamants pour moi, ainsi que pour la rédaction de Domaine public : "sérieux problèmes de déontologie", "procédés intellectuels inqualifiables", "grave du point de vue journalistique".
Plus comiquement, M.Veya m'a accusé de "tomber" dans le "populisme" parce que j'ai osé insinuer que son journal tentait d'exercer une certaine influence sur l'opinion. "Cette initiative fait l'objet d'un traitement équitable dans nos colonnes", affirme-t-il sans rire. Pour juger de son sens de l'équité, rappelons simplement que M.Garessus, dans l'article même qui contenait l'erreur, intitulé « une foudroyante attaque contre le principal atout de la Suisse », affirmait que l'initiative menace d'"anéantir les fondements institutionnels du pays", est une "menace pour la liberté" et "une idée qui s'oppose à l'essence même de la Suisse".
Toujours sans rire, M.Veya n'est pas loin de rectifier le rectificatif de son propre journal, sous-entendant que l'erreur du Temps n'en était pas vraiment une. M.Garessus aurait simplement omis d'expliquer en détail un "mécanisme élémentaire" que chacun est censé connaître. Selon M.Veya, l'article paru dans Domaine public jette le discrédit sur le Temps. Pourtant, cet article n'expose rien d'autre que les faits. Nous laissons donc à M.Veya l'entière responsabilité de son jugement.

LIENS
Article de Domaine public, par Christophe Schouwey: Le Temps admet enfin son erreur
Réponse de M.Pierre Veya, rédacteur en chef du Temps, à l'article de Domaine public
Tableau comparatif entre les cantons, journal le Temps
  

10 novembre 2010

Initiative "impôts équitables": Le "Temps" admet enfin son erreur.

Ce texte peut également être lu dans Domaine public. Je précise toutefois que le Pinocchio qui l'accompagne, quoique très joli, n'est pas mon idée, car je n'ai à aucun moment affirmé que le Temps avait délibérément menti. 
 
L'initiative « pour des impôts équitables », que le peuple vote le 28 novembre, obligerait tous les cantons à imposer à 22% minimum les tranches de revenu au dessus de 250 000.-. Cette augmentation ne concernerait à peu de chose près que les cantons qui pratiquent la sous-enchère fiscale pour "piquer" les contribuables aisés des autres cantons. En outre, il faudrait qu'une personne gagne bien plus que 250 000.- pour vraiment sentir les effets de l'initiative. Par exemple, dans un canton à très basse fiscalité, une personne gagnant 300 000.- pourrait se voir taxer à 10% pour les 250 000 premiers francs et à 22% sur les 50 000 francs suivants. Elle ne payerait donc, en définitive, qu'un modeste taux moyen de 12%, impôt communal compris.

Pourtant le Temps du 13 oct. a considérablement exagéré la portée de l'initiative, affirmant qu'un revenu de 250 000 francs serait imposé à 22%. Tout le monde a le droit de se tromper; en l'occurrence, notre "quotidien romand de référence" en a fait un usage particulièrement abondant. J'ai dû envoyer pas moins de quatre courriels, en menaçant à deux reprises de dénoncer le cas au Conseil de la Presse, pour obtenir la publication du rectificatif ci-dessous, paru le 9 novembre:
"L'analyse de l'initiative fiscale comportait une erreur. Il était faux de dire que le taux d'imposition à Wollerau passerait à 22% pour des revenus de 250 000 francs. Selon l'initiative, le taux de 22% concerne chaque franc supérieur à 22%. "

Rappelons que le Temps a pris parti très vigoureusement contre l'initiative, dans au moins deux articles. Compte tenu de ce qui précède, on peut se demander si cette prise de position est vraiment réfléchie. Rappelons aussi que l'erreur du Temps avait déjà été commise dans l'Impartial, l'Express et la Liberté, qui avaient été induits en erreur par le professeur d'université fribourgeois Bernard Dafflon, pourtant spécialiste de la fiscalité. Tout comme le Temps, ces journaux ont depuis admis qu'ils s'étaient trompés. 

Il n'est pas anodin que la presse romande ait diffusée une information erronée sur un sujet passant en votation. Cette erreur a pu amener certains votants à exagérer la portée de l'initiative socialiste et à croire que leurs impôts risquaient d'augmenter alors que ce n'était pas le cas. J'appelle donc tous les lecteurs de la présente à faire en sorte que la population soit informée correctement et puisse voter en connaissance de cause. 



Pour l'article suivant sur la même affaire:      Le Temps, média suisse de référence, supporte-t-il la critique?

Charlatans et démographes.

Le Temps, qui se veut "quotidien romand de référence", ne devrait pas toujours reprendre telles quelles toutes les dépêches de l'AFP, comme celle du 4 novembre où on peut lire que l'espérance de vie en Allemagne atteint 82 ans pour une fille et 77 ans pour un garçon "nés aujourd’hui". Serais-je tombé sur un scoop? personne ne peut savoir combien d'années vivront en moyenne ceux et celles qui naissent aujourd'hui. En revanche, on connaît le taux de mortalité en 2009 des enfants avant 1 an, le taux de mortalité en 2009 des enfants entre 1 et 2 ans, et ainsi de suite jusqu'au taux de mortalité en 2009 des personnes entre 114 et 115 ans. Si ces taux restaient constants, alors oui, la génération 2009 vivrait en moyenne le nombre d'années calculé par les statisticiens. Mais il est vraiment très très peu probable qu'il en soit ainsi. On espère que la mortalité baisse, mais une épidémie ou un accident nucléaire pourraient inverser la tendance. La notion d'espérance de vie est utile pour résumer en un seul chiffre les taux de mortalité de toute la population, et comparer la situation actuelle d'un pays avec sa situation passée ou avec celle d'autres pays. Mais il ne faudrait pas confondre la calculette des démographes avec la boule de cristal des charlatans.

Envoyé à la date ci-dessus. Je ne sais pas si cela a été publié