Ce blog rassemble pour l'essentiel mes textes parus dans la presse suisse romande, notamment dans l'Impartial/l'Express, Gauchebdo, le Courrier, Domaine public et le Temps.

26 septembre 2008

LETTRE OUVERTE A M.WILLEMIN



Monsieur le rédacteur en chef,

Au cours du débat du mercredi 24 septembre au Club 44, un spectateur vous a interrogé au sujet des profits de l'Impartial et l'Express. Vous avez donné au public présent l'impression d'une étrange ignorance.
Vous ne vous êtres apparemment jamais soucié de savoir combien les journaux que vous dirigez rapportent à leur propriétaire, le mystérieux M.Hersant que vous n'avez paraît-il vu qu'une seule fois, mais dont on peut soupçonner qu'il a envie de réaliser quelque profit financier grâce à ses acquisitions dans la région. Vous n'ignorez sans doute pas que nous vivons dans un monde où les gens riches estiment que leur argent leur donne droit à un revenu; où celui qui, ayant placé 1 millions, touche 100 000 francs par année (sans fournir aucun travail en contrepartie) aimerait en recevoir 150 000.
Lors de l'apéritif qui a suivi le débat, nous étions plusieurs à nous dire que le montant des profits de M.Hersant, s'il n'intéresse peut-être pas pas le rédacteur en chef que vous êtes, est d'un très grand intérêt pour les lecteurs. Vous avez souligné à plusieurs reprise à quel point les gens sont attachés à leurs quotidiens régionaux: ne seraient-ils pas en droit de savoir quel proportion de leurs frais d'abonnement finissent dans les poches du nabab qui s'est payé un élément si important de la vie des Montagnes neuchâteloises et des régions environnantes?

20 septembre 2008

Pourquoi je ne suis pas communiste

Avant la conférence du PST, le Neuchatelois, Christophe Schouwey, défend un parti « capable d’accueillir tous les militants potentiels ».
A l’heure où le Parti suisse du Travail envisage sérieusement de s’appeler « Parti communiste suisse », il est important de rappeler que tous ses membres ne se considèrent pas comme « communistes ». Ne pouvant parler au nom de tous, je n’exposerai dans ici que ma vision personnelle, même si je pense que de nombreux camarades me rejoignent sur bien des points.
J’étais communiste à quinze ans. Je rêvais d’une société sans argent, formée de citoyens suffisamment responsables pour travailler bénévolement et consommer sans abuser. D’ailleurs, tout le monde agit de temps à autre dans l’intérêt collectif sans chercher d’avantage personnel, que ce soit en travaillant bénévolement ou simplement en triant ses déchets. Plus ces comportements seront répandus, mieux nous vivrons ; peu importe que l’on appelle cela « communisme », « christianisme », « islam », « humanisme » ou « sens civique ». Mais je ne crois plus que toute la société puisse reposer sur ce principe et que des gens ordinaires tels que moi-même puissent construire une société complètement communiste. J’éprouve la même sympathie pour ceux qui croient à un futur communiste que pour ceux qui croient en un Dieu d’amour, mais je suis incroyant dans les deux cas.
Chacun choisit sa vie
Le peuple n’étant pas spontanément communiste, on a parfois envie que l’Etat l’y force. C’est d’ailleurs ce qu’il fait en partie, en Suisse comme ailleurs, et c’est très bien ainsi. Des institutions comme l’impôt progressif, les assurances sociales et bien d’autres, que le Parti a toujours défendues, sont inspirées de la devise communiste « de chacun ses capacités, à chacun ses besoins ». Ce principe contribue à rendre notre société plus humaine et plus juste. Mais un Etat qui le pousserait jusqu’à son extrême limite, décidant des capacités et besoins de chacun dans les moindres détails, ne serait-il pas liberticide ?
Certains souhaitent avoir un minimum de soucis et un maximum de temps libre, pendant que d’autres aspirent aux responsabilités et sont prêts à travailler quatre-vingts heures par semaines. Ceux qui attachent peu d’importance aux biens matériels sont perplexes face à ceux qui rêvent de luxe et sont prêts à trimer comme des fous, contribuant de la sorte à la prospérité commune. Au nom de quoi devrions-nous empêcher chacun de choisir sa vie ?
Ne pas confondre pouvoir et liberté
Jusqu’à présent, certains lecteurs se demandent peut-être en quoi je me distingue de la droite modérée, qui défend elle aussi un compromis entre liberté économique et solidarité. Il faut, tout simplement, différencier clairement liberté et pouvoir : faire ce qu’on veut de sa vie, ce n’est pas la même chose que faire ce qu’on veut de la vie des autres. La liberté de garder le fruit de son labeur est une bonne chose et n’a rien de capitaliste, car l’essence même du capitalisme est le pouvoir de garder le fruit du labeur des autres. Le petit entrepreneur qui crée des richesses en ne gagnant pas forcément plus que ses employés n’est pas un capitaliste. Au contraire, il vit de son travail et est exploité lui aussi par les millionnaires et milliardaires, ceux qui sont convaincus que c’est leur argent qui travaille. Eux que nous laissons à tort s’appeler « libéraux », alors qu’ils ne défendent pas tant la liberté de créer de la richesse que le pouvoir de se l’approprier.
Une tendance parmi d’autres
Au sein du Parti, Je n’ai jamais affirmé quoi que ce soit de contraire à ce qui figure dans cet article. Il est vrai que j’ai laissé, sans réagir, des camarades affirmer que nous étions un parti communiste, sous-entendant ainsi que j’étais d’accord avec eux, moi qui voulais simplement éviter un long et épuisant débat dont je ne percevais pas l’utilité, alors même que nous sommes d’accord sur l’essentiel des actions à mener ici et maintenant. Mais s’il y a un malentendu, je n’en suis pas le seul responsable, car on ne m’a jamais demandé si j’étais communiste ou pas. Le Parti ressemble un peu à une église qui accepterait les athées : on peut y adhérer sans être communiste, mais il ne faut pas le dire trop fort. J’ai toujours espéré quant à moi que ceux qui se disent « communistes » accepteraient à la longue de devenir une tendance du Parti parmi d’autres. Leur volonté de s’approprier maintenant le Parti en changeant son nom est un facteur de division et risque d’en éloigner des militants potentiels. Même si j’étais communiste, j’hésiterais donc sérieusement à baptiser ainsi Parti suisse du Travail.